META-ANALYSES DES TRAITEMENTS COGNITIFS ET COMPORTEMENTAUX (TC&C)


META-ANALYSES DES TRAITEMENTS COGNITIFS ET COMPORTEMENTAUX (TC&C)


Nous avons connaissance de trois meta-analyses récentes susceptibles d’éclairer la question de l’efficacité du traitement des abuseurs sexuels : Hall (1995), Alexander (1999) et ATSA (1999). L’article de Hanson et Bussière (1998) sera également passé en revue car s’il a principalement pour objet l’analyse des facteurs prédictifs de rechutes, il prend en compte le traitement comme variable. Ces meta-analyses concernent en principe tous les traitements publiés, tant psychothérapeutiques qu’hormonaux, et pas seulement le tc&c. Ce dernier est toutefois nettement majoritaire dans ces meta-analyses et sauf mention contraire nous limiterons la discussion aux tc&c.

Sur un total de 92 études publiées, Hall (1995) en retient 12 (n=1313 sujets) qui satisfont aux critères suivants : au moins 10 participants, un groupe de comparaison ou de contrôle et des données explicites sur les rechutes. La moitié des études concernent des patients traités dans la communauté et l’autre moitié l’est sous forme résidentielle. Le traitement comportemental ou c&c représente 9 études sur les 12. Le taux de rechute est de 19% pour les sujets traités (tout traitement compris) et de 27% pour le groupe de comparaison. L’effet thérapeutique est le plus significatif pour le tc&c et le traitement hormonal. Les études limitées au traitement comportemental donnent des résultats moins favorables. L’effet positif du traitement est plus manifeste lorsque le durée du suivi est de 5 ans ou plus. Il est également plus prononcé  (‘medium effect size’) en cas de traitement ambulatoire (dans communauté) par rapport au traitement résidentiel (‘small effect size’).

Hanson et al. (1998) ont retenu 61 études permettant d’identifier les facteurs liés à la récidive des abuseurs sexuels. Le taux moyen de rechute était relativement faible, 13.4% pour un total de 23.393 sujets. Concernant l’effet prédictif d’un traitement psychothérapeutique leurs conclusions majeures sont les suivantes : 1/ les abuseurs sexuels qui décrochent et ne sont pas capables de terminer le traitement entrepris constituent un risque accru de rechute tant sexuelle que générale (délinquance non sexuelle), 2/ une présentation  clinique négative (déni ou manque de motivation) n’est pas prédictif de rechute sexuelle mais bien de rechute dans la délinquance générale. Il se peut donc que le traitement soit effectif, mais également que les abuseurs à haut risque présentant une personnalité antisociale abandonnent plus fréquemment le traitement entrepris. Les auteurs restent prudents dans leurs conclusions tout en affirmant ‘Les résultats de la présente revue suggèrent toutefois que les programmes de traitement peuvent contribuer à la sécurité de la communauté grâce à leur capacité de contrôler le risque’. Il est établi que les abuseurs qui coopèrent au programme de traitement rechutent moins que ceux qui rejettent l’intervention.


Alexander (1999) inclut dans sa meta-analyse un plus grand nombre de recherches que Hall et al. (1995), à savoir 79 études avec un total de 10.988 sujets. Les résultats des sujets traités selon le modèle de la ‘prévention de la récidive’ (tc&c) sont nettement supérieurs aux autres modalités de traitement en fonction des critères les plus sévères : 1/ un taux de rechute de 7.2% et donc inférieur au critère retenu de <11%, 2/ un nombre de sujets de 713 et donc supérieur au critère d’un minimum de 100 sujets, 3/ une différence d’au moins 10% entre le taux de récidive des sujets traités (7.2%) et des non traités  (17.6%). Le sous-groupe de violeurs présente un taux de rechute de 8.3% dans le groupe traité et de 23.7% dans le groupe non traité. Pour le sous-groupe des abuseurs d’enfants les chiffres sont respectivement de 8.1% (traité) et de 25.8% (non traité).

L’Association for the Treatment of Sexual Abusers (ATSA, 1999) conduit une meta-analyse de 34 recherches qui ont lieu en Amérique du Nord et dont certaines sont toujours en cours ou n’ont pas été publiées . Le tc&c représente 27 études tandis que les autres 11 sont des traitements psychothérapeutiques variés (7 d’inspiration psychodynamique, 2 systémique et 2 non spécifié). Malgré des insuffisances méthodologiques de certaines études incluses (Rice et al. 2001) des tendances et des conclusions peuvent être dégagées avec des degrés variables de certitude. Une tendance positive de réduction de la rechute sexuelle après traitement (tc&c) est présente dans 65% des études (N=15) contre 26% (N=6) pour une tendance négative ou neutre. Ces chiffres sont nettement meilleurs que ceux obtenus pour les autres modalités de psychothérapies. Les résultats présentent une grande variabilité d’une étude à l’autre, mais la supériorité du traitement cognitif et comportemental est une constante. Il apparaît également que l’inclusion dans le programme de traitement du modèle de ‘prévention de la récidive’ est essentiel au succès du traitement. Les programmes, généralement plus anciens, se limitant à des techniques comportementales ne donnent pas les mêmes résultats positifs. Contrairement à l’hypothèse de départ, il n’est pas prouvé que le refus du traitement est un facteur établi de risque de récidive sexuelle. Par contre ceux qui décrochent du programme thérapeutique en cours de route ont un mauvais prognostic de rechute et certains psychopathes (au sens de Hare) semblent présenter des taux de rechutes plus élevés après traitement. Les travaux de Harris, Rice et Cormier (1994) montrent également un taux de rechute plus élevé parmi les patients psychopathes selon la définition de Hare et ces auteurs se posent des questions sur l’opportunité des programmes thérapeutiques basés sur les techniques comportementales et cognitives chez ce type de patients.